Une ville invisible, performance de Manu Mela B.

Midi,
Jeudi 1er avril 2004.
Une ville invisible sur le plus vieux port de France.
 
On attend.
On ne se connaît pas. On ne sait pas qui attend qui ou quoi maison attend. Assis autour de la bouche de métro, au milieu des poissonniers. On attend.

Bientôt, ceux-qui-attendent verront arriver la première troupe. Elle brandira fièrement ses steaks tous frais en hurlant « manger du steak parce que le poisson c'est pas bon ! ». Autour des harangueurs ceux-qui-attendent verront un cheval avec des oreilles vertes, des miroirs espiègles, un pêcheur de steak à la ligne pieds nus et quelques caméras pour garder une trace de la ville invisible.
Mais pour l'instant, on attend.

Lorsque la première troupe sera là on apprendra qu'on attend « Notre Dame des Turcs » et sa cour musicale. Celle-ci sera faite d'un homme ordinateur, d'un cheval, d'une paire de tresses orange, d'un homme caméra qui restera voilé et surtout d'un ampli sur caddie pour la musique.
Mais en attendant, on attend.

Comme ceux-qui-attendent déjà, la première troupe attendra «  Notre Dame des Turcs » et sa cour. Pour faire passer le temps, la troupe chantera et invitera à chanter les passants et ceux-qui-attendent :
« C'est le printemps, je suis content ! Oh la la la, je suis fou de joie ».
Un vieux avec canne viendra se présenter, il voudra chanter et s abonne humeur entraînera toute la troupe dans une danse impromptue et joyeuse.
Mais pour le moment, on attend.

A l'autre bout de la ville, dans les écuries où les chevaux doivent se ravitailler, on s'impatiente.
Mais là bas aussi, on attend.

A force d'attendre  on ira cherche d'autres qui patientent ailleurs que leur moment arrive. Leur moment, c'est La Bataille, la bataille finale, alors ils patienteront encore un peu.

Lorsque « Notre Dame des Turcs » arrivera toute vêtue de blanc, le cheval aux oreilles vertes mangera des bonbons, le pêcheur de steak pieds nus déroutera les voitures balais, les miroirs éblouiront les passants et ceux-qui-attendent seront sortis de leur réserve et discuteront avec leur voisins.

Et ce sera le départ.
Le départ de la parade sonore qui remontera les rues principales de la ville invisible mais pas silencieuse. Les passants seront interloqués, subjugués, dérangés, ennuyés, amusés. Sur le passage de la parade, ils se retourneront, remonteront les vitres de leurs voitures, s'agglutineront derrière les vitrines, se boucheront les oreilles, riront, feront la tête ou encore klaxonneront en chœur avec la parade.

Ce sera aussi le départ de la distribution de poèmes coupés. D'un regard ou d'une main tendue, les passants seront invités à piocher une phrase, au hasard.

Ce sera encore, le départ des chevaux vers leurs écuries pour ramener la viande sur le champ de bataille. Dans la ville, le bruit de leurs sabots, leurs hennissements, leur démarche interpelleront la foule de badauds qu'ils croiseront autant que la parade turbulente.

Enfin, lorsque tous auront fait leurs périples dans la ville invisible, nous nous retrouveront près de vestiges de la vieille ville. Là, on disposera les steaks partout au sol pour que les passants ne puissent pas les rater, qu'ils soient obligés de les enjamber. Et la bataille fera rage.

Mais là, on attend.
Quand tout le monde sera là, on partira découvrir cette ville invisible.
Mais là, toujours, on attend.
On attend que la ville devienne VISIBLE.

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